Passage initiatique avec Sheela na Gig
Traduction et adaptation par Xella Sieidi de l’article « Síla na Géige » de Kathryn Price NicDhàna
Puis se voile dans la brume,
Silencieuse comme la pierre,
Porte et gardienne,
Guide et pourvoyeuse de défis,
Elle danse dans la lumière de l’aube,
Elle sautille et se pavane au crépuscule,
Celle au sourire rusé,
Celle aux larges yeux,
Elle ouvre le chemin,
La vieille femme se tenant sur le seuil.
Paradoxale et insaisissable, Sheela (Síla, Sheila) est une manifestation de l’entrée dissimulée qui émerge lorsque la Sorcière de l’Hiver et la Vierge Reine de l’Été se rencontrent en une danse. Sheela tient ouverte entre ses mains cette qui s’ouvre lorsque deux contraires se rencontrent l’aube et le crépuscule, l’été et l’hiver, Beltane et Samhain, lorsque la brume s’élève et que la terre et le ciel rencontrent l’eau. Sheela est tout et rien, une force de l’Outremonde qui refuse de se conformer à une étiquette, à une catégorie.
Plusieurs interprétations sont offertes pour l’origine et la signification de son nom énigmatique : protection et abri, la graine plantée et le sol dans lequel elle germe, progéniture et descendance, cause et origine, ce qui est produit, généré et répandu.
Quant à Gig, on pense que ce terme peut se traduire par « vulve ou vagin », par « s’accroupir », « coup d’œil sur », « qui se reproduit » (parthénogenèse?) ou encore « petit bateau ». Cette dernière interprétation est intéressante quand on pense que la plupart des bateaux sont en forme de vulve et cela renvoie à l’idée de passage : pour naître (physiquement) ou pour passer d’un monde à autre (spirituellement), on doit traverser des eaux.
On la décrit comme un symbole de fertilité; pourtant son iconographie combine des aspects de fertilité et d’infertilité : tandis que sa vulve dodue suggère la jeunesse sexuelle, grande ouverte comme sur le point d’accoucher, sa poitrine est absente, plate. D’autres images de Sheela la montrent avec la poitrine pendante et molasse d’une femme post-ménopause. Parfois, sa poitrine est recouverte de cicatrices et les os de sa cage thoracique pointent sous sa peau de pierre. Elle arbore un sourire-grimace et ne cache pas sa tête chauve – celle d’un nouveau-né ou celle d’une vieille femme ayant perdu sa chevelure d’antan? Sheela est une créature de paradoxe et de contradictions : elle représente les extrêmes de la naissance et de la mort.
Elle est vêtue de paradoxes et de contraires; elle est le calme et l’immobilité au centre de la tempête, le point crucial autour duquel le monde tourne, le silence qui nous enveloppe, ce moment qui dure l’instant d’un battement d’aile avant que nous franchissions le voile qui sépare les mondes, la page blanche qui nous fixe, ce moment de panique qui semble s’éterniser avant que l’inspiration n’apparaisse.
Sa vulve est l’entrée aux entrailles de la Déesse, le chaudron de la mort et de la renaissance, dans lequel nous sommes déchiquetées puis reconstruites. Sheela nous rappelle que c’est par l’ouverture d’une femme que nous avons pénétré ce monde.
Sheela est également une dévoreuse, elle nous reprend lorsque notre vie arrive à terme, elle nous démembre, nous dépouille du superflu, jusqu’à ce que nous ne soyons qu’esprit. Elle nous transforme et nous prépare à notre prochain voyage.
Sheela garde la porte qui mène aux autres mondes, elle est celle qui a le pouvoir de l’ouvrir et de la refermer. Alors que d’autres déités nous guident vers des endroits spécifiques au sein des autres mondes, Sheela se tient toujours sur le seuil; elle est l’entre-deux. Gardienne du seuil, son rôle est de nous apprendre à construire et entretenir un espace sacré.