Elle habite dans son propre palais, Fensalir (« Palais de la mer »), en compagnie de ses suivantes Eir, Saga, Gna et Fulla. Dans son palais, elle tisse, ce qui référence aux activités économiques des femmes. Les femmes à l’époque pré-moderne possédaient souvent leur propre petite entreprise et gardaient pour elles les profits. Le tissage fait également partie de ses fonctions en tant que déesse céleste, puisqu’elle tisse les nuages. Les Suédois ont nommé une constellation d’après son fuseau, « Fuseau de Frigg », autour duquel croient-ils que les étoiles tournent et que l’univers est tissé. Comme Freyja, elle possède une cape faite de plumes de faucon, même si on ne connaît aucun mythe dans lequel elle l’utilise.
Nous avons de nombreuses preuves attestant que Frigg est une déesse ancienne et que son culte est aussi ancien que ceux d’Odin et Thor. Malgré cela, peu de lieux de culte ont été retrouvés. Nous en avons retrouvés quelques uns en Suède, comme Frigg-jarakr (« Champs de maïs de Frigg »). Branston prétend en avoir trouvés en Angleterre : Freefolk, Froyle, Frobury et Fryup. Son importance est surtout attestée par le nombre de ses suivantes, qui sont parfois vues comme d’autres formes d’elle-même. Les Allemands devaient la tenir en très haute estime, puisqu’ils ont nommé le jour de vendredi en son honneur.
Frigg était la protectrice des femmes mariées, ce n’est donc pas étonnant qu’elle était aussi invoquée pour bénir les femmes durant l’accouchement. Dans la « Plainte d’Oddrun », Borgny qui vient d’accoucher de peine et misère, remercie Oddrun qui l’a assistée :
Que les bons esprits te protègent,
Que Frigg et Freyja et les bons dieux aussi veillent sur toi,
Toi qui m’as délivrée du mal.
Hollander prétend que l’invocation de Freyja est ici une erreur, puisque selon lui, seule Frigg devrait être appelée en de telles circonstances. Toutefois, comme les deux déesses étaient protectrices des femmes, il ne fait aucun doute qu’elles étaient les deux invoquées pour aider les femmes dans n’importe quelle situation.
Frigg et le don de prophétie
Dans la Lokasenna, lorsque Loki s’en prend à Frigg, Freyja la défend :
Tu es fou Loki, de nous rappeler tous les torts que tu as causés,
Frigg connaît le destin de tous, bien que jamais elle n’en souffle mot!
Dans le prologue de son Edda en prose, Snorri Sturluson nous apprend que Frigg possède le don de prophétie, en plus du don de voyance que lui profère le haut trône, lorsqu’elle prend place dessus. Pour les Allemands, le don de prophétie que possède Frigg était du domaine des femmes. Dans le Vafthrudismáal, Odin demande à son épouse son avis sur un voyage qu’il doit entreprendre bientôt au pays des Géants, ce qui laisse croire que son don était respecté des Ases.
Pourtant, ce don apporte également son lot de malheur, quand Frigg prophétise la mort de son propre fils Baldr. Elle tente tout de même de le sauver, en soutirant à toute chose vivante la promesse de ne jamais faire de mal à son fils adoré. Encore une fois, Loki lui met des bâtons dans les roues en prenant l’apparence d’une vieille, à qui Frigg révèle en toute confiance qu’elle ne s’est pas donné la peine de quérir la promesse du houx, le trouvant si inoffensif. Loki fabrique un pic de bois d’houx sur le champ et l’offre à Hod, le frère aveugle de Baldr. L’invulnérabilité de Baldr a donné aux dieux le goût de s’amuser à tenter de le tuer, émerveillés de voir les armes rebondir lorsqu’ils le frappent. Évidemment, le houx tue Baldr et il doit se rendre au royaume de Hel, attendant le Ragnarok. C’est cette mort est la première des lamentations de Frigg, la seconde étant la mort d’Odin lors du destin fatal des dieux.
Le pouvoir de Frigg réside dans le lien créé par le mariage et la famille. À notre époque, une femme demeurant à la maison n’est pas considérée comme exaltée, mais fût une époque où ces femmes étaient les gardiennes de la paix d’une famille ainsi que celle qui s’occupait des finances. Les plus prospères devaient superviser les activités des servantes en plus de contribuer au bien-être de la famille. En guise de preuve de son statut, Frigg transporte sur sa ceinture une multitude de clés. Les femmes les portaient comme symbole d’autorité, puisque les femmes de foyer s’occupaient surtout de l’entreprise familiale.
En Suède, jeudi était sa journée et on préparait la maison pour sa venue et celle de Thor. En ce jour, il était interdit de tisser ou d’utiliser un fuseau, puisque c’était Frigg qui tissait. Parfois, on apercevait, assis à sa quenouille, une vieille femme et un vieil homme, c’était Thor, sous une forme plus vieille, et Frigg.
Frigg possède plusieurs points en commun avec de nombreuses déesses indo-européennes, elles aussi épouses et mères. La grecque Héra et la romaine Junon occupaient des places similaires, puisqu’elles étaient toutes deux la Première Dame. Les trois étaient invoquées pour accorder la fertilité aux femmes et étaient vénérées par les femmes. Junon, tout comme Frigg, était également une déesse indépendante, avec ses propres pouvoirs et son culte. Héra était un peu moins puissante. Tandis que Frigg possédait le don de prophétie, Héra avait le pouvoir de l’octroyer à qui désirait-elle, comme elle le fit avec le cheval Xanthe. Toutes deux conseillaient leur époux. Il est intéressant de noter que la différence majeure entre Héra et Frigg, est que cette dernière acceptait avec plus de calme les infidélités de son époux. Il est possible que l’Asyne était plus confiante en sa position que la jalouse Olympienne, ou peut-être que cela symbolisait les unions plus égales des gens du nord.
Un autre aspect de Frigg
Malgré son image de bonne petite femme de maisonnée, des mythes plutôt étranges existent à son propos. Saxo Grammaticus raconte qu’elle exigea qu’on fasse fondre une statuette d’or afin de lui en confectionner un collier. Malheureusement pour elle, cette statuette était à l’effigie d’Odin et il l’avait enchantée afin de s’assurer que nul ne puisse la vandaliser. Frigg coucha avec un de ses serviteurs et lui demanda en échange de fondre ladite statuette, s’assurant ainsi qu’elle ne serait pas dénoncée. Lorsqu’il découvrit le stratège, Odin fût si dégoûté qu’il la quitta. Il demanda à Odin de prendre sa place sur le trône et ne revint que lorsque Frigg fût décédée.
C’était peut-être à cette histoire que faisait référence Loki quand il dit :
Tais-toi Frigg, fille de Fjorgyn,
Tu as toujours été insatisfaite en amour,
Puisque malgré le fait que tu sois l’épouse de Vithrir [Odin],
Tu t’es donnée à Vili et Vé.
Vili et Vé sont les frères d’Odin, ou ses hypostases; Loki accuse donc injustement Frigg d’adultère.
Frigg et ses suivantes
Les suivantes de Frigg (Eir, Saga, Fulla, Lofn et Gna) sont souvent considérées comme ses hypostases. Si c’est bien le cas, Frigg devait être une déesse de grande importance, pour mériter autant de suivantes. Ces dernières accomplissent des tâches à la demande de Frigg. Malgré tout, les suivantes de Frigg devraient être considérées comme des déesses à part entière.