Traduit et adapté par Xella Sieidi
La puissance des menstruations a été reniée de notre culture pendant cinq mille ans. Je n’ai jamais réfléchi à mon cycle mensuel, sauf au fait que cela concerne la procréation et, bien sûr, aux inconvénients qui l’accompagnent. Il m’est arrivé de travailler avec des cercles de femmes pour des pratiques spirituelles et mes menstruations se sont parfois déclenchées plus tôt que prévues, m’apportant une puissance énergétique et par conséquence, des conséquences physiques.
Cette recherche de connaissance et de sagesse au sujet des menstruations et de la guérison a débuté grâce à ces puissantes, bien que drainantes, expériences. Cette recherche englobe la biologie, la signification, l’histoire et enfin, la portée de ce moment dans la vie de chaque femme. Cela m’a menée à me comprendre moi-même, à comprendre l’archétype de la guérisseuse en moi, et, le plus important peut-être, à me comprendre en tant que femme guérisseuse. En pratique, la spiritualité est indissociable de notre travail avec les énergies subtiles. Nous puisons dans le monde de l’invisible, une dimension éphémère qui nous éveille aux royaumes des archétypes, de l’intuition et de la connaissance. Mon hypothèse est que cette période pendant laquelle nous sommes menstruées nous connecte de façon encore plus puissante et significative à ces dimensions et ces royaumes.
J’entame ce voyage avec vous en étudiant d’abord la biologie, puis l’histoire et je terminerai en tirant certaines conclusions à propos de ce cadeau miraculeux.
LA BIOLOGIE
J’aimerais explorer la physiologie des menstruations afin de voir s’il y a un lien entre la réaction chimique des menstruations et notre ouverture, en cette période, à un grand pouvoir et une grande connaissance. Selon le livre de Joan Borysenko, A Woman’s Book of Life, le corps de la femme devient “s’accorde aux cycles des énergies lunaires » lors de la puberté. Des études ont démontré qu’à la pleine lune ou le jour précédent, le taux de conception (l’ovulation) atteint des sommets. Au moment de la nouvelle lune, l’ovulation et le taux de conception décroissent et plusieurs femmes débutent leurs menstruations à cette période. En fait, la plupart des femmes débutent leurs menstruations entre 4 h et 6 h, le moment le plus sombre de cette journée.
Le cycle lunaire des menstruations est orchestré par l’enclenchement des effets de quatre hormones : l’hormone folliculo-stimulante, l’hormone lutéinisante, l’estrogène et la progestérone. Pour comprendre comment ces hormones interagissent, nous devons prendre en considération quatre organes : la glande pinéale, l’hypophyse (dans le cerveau), les ovaires et l’utérus. L’hypophyse réagit à une multitude d’influences subtiles, incluant les émotions, le niveau de stress, le sexe, l’alimentation, les phéromones, la vue et l’odeur de celui ou celle que l’on aime et la durée d’une journée. À son tour, l’hypophyse fait réagit la glande pinéale qui elle sécrète la mélatonine, une neurohormone. Cette glande est remplie de petits cristaux appelés sable du cerveau, est en fait une sortie de troisième œil vestigial dont la capacité de répondre aux changements de cycles régularise les rythmes du jour et de la nuit dans le corps et indique à l’hypophyse le moment où elle doit commencer à sécréter les hormones de la puberté. Le philosophe Français René Descartes nomme cette glande le siège de l’âme. Il se peut bien qu’elle le soit, puisque plusieurs cultures croient que le début des menstruations est associé à un éveil profond du pouvoir, de l’intuition et d’une capacité d’accéder à des connaissances venues d’autres mondes. Dans les cultures orientales, la glande pinéale correspond au 6e chakra, ou le troisième œil. Il est donc possible qu’à la puberté, lorsque la production d’hormones par la pinéale atteint son sommet, notre œil de sagesse s’ouvre, littéralement.
Borysenko continue d’exposer les faits biologiques que les femmes sont plus extraverties et créatives lorsque leur niveau d’estrogène est élevé (tout juste avant l’ovulation) et plus intraverties lorsque leur niveau de progestérone est élevé (juste après les menstruations). S’il n’y a pas de grossesse, le niveau de progestérone et d’estrogène baisse rapidement et la muqueuse utérine se réduit et se décompose. Lorsque ceci arrive, la femme ressent souvent une déprime passagère, comme si quelque chose qui était prévu n’était finalement pas arrivé. C’est pendant cette phase « basse » que les habiletés psychiques des femmes sont les plus élevées. Environ deux jours après que les saignements aient débuté, le corps comment à répondre à l’absence d’estrogène et indique à l’hypophyse de produire l’hormone folliculo-stimulante et d’entamer un nouveau cycle. Tous ces changements sont dépendants du cycle du jour et de la nuit. De culture en culture, la lune symbolise le renouveau, le féminin, l’immortalité et l’éternité, étant donné que sa croissance et décroissante influencent les océans et les cycles menstruels. Le terme grec pour lune, « mene » signifie mesure du temps, est à la racine du terme menstruation.
L’HISTOIRE
Il y a plusieurs siècles, on considérait les femmes menstruées comme bénies; en anglais, le terme « blessing » (bénir) est dérivé du mot anglo-saxon « bletsian », saigner, selon le dictionnaire Webster. Quand les cycles des femmes ont-ils été diabolisés? Dans l’ancien temps, il y a plus de 25 000 ans, on a retrouvé des calendriers faits de bois qui semblent lier les menstruations aux cycles de la lune (Crawford, 2004). L’instinct initial des anciens peuples d’honorer la femme pour son habileté à saigner mensuellement sans aggraver sa santé et de porter en elle la vie était considéré comme miraculeux (Crawford, 2004). Il est difficile de percer le voile patriarcal étendu sur la culture occidentale depuis l’Inquisition, une époque où jusqu’à neuf millions de femmes furent torturées et assassinées parce qu’elles étaient femmes et guérisseuses. Cette période, de 1500 à 1700 de notre ère environ, et les valeurs patriarcales subséquentes, ont teinté notre conception de la féminité et notre perception de notre corps et de ses cycles. J’ai trouvé deux sources d’information qui jusqu’à ce jour continuent d’honorer les cycles féminins : le tantra et le chamanisme féminin. Plusieurs traditions chamanistes, comme celles des Autochtones d’Amérique du Nord, croient que les femmes sont puissantes lorsque menstruées, mais ces traditions croient aussi que les femmes devraient être séparées des hommes lorsqu’elles se livrent à leurs pratiques spirituelles, par exemple, dans les « moonlodges », huttes lunaires (Owen, 1998). Je crois que ceci est un vestige du patriarcat.
LE TANTRA
Le tantrisme est une vieille pratique yogique, dont un des mystères central, appelé maithuna, traite de sexualité sacrée (Shuttle, 1978/1988). La tradition tantrique inclut des techniques de sexualité sacrée dont l’objectif est l’illumination spirituelle. Le moment optimal pour cette illumination se produit lors des menstruations de la femme, alors son énergie rouge sexuelle est à son plus haut. Cette énergie est ensuite maîtriser lors de rituels, méditations et pratiques du yoga. Cette tradition continue d’honorer les propriétés rajeunissantes du sang menstruel qui coule lorsque la lune est sombre (George, 1992). Les taôistes croient le flot du sang menstruel est une contribution primaire du chi pour la femme (Lai, 2001). Les Tibétains eux, apprécient les propriétés guérisseuses de l’élixir menstruel : une combinaison du sang menstruel rouge et de la blanche semence (Noble, 1991). Les taôistes, Égyptiens, Perses et Celtes participaient à un rituel de groupe où le vin était mélangé à du sang menstruel; ce rituel était considérée sacré et puissant. Dans le sacrement chrétien de la communion, le vin rouge symbolise le sang du Christ. Mais le vin rouge fut utilisé pour symboliser la Grande Déesse, la Femme Sainte, pendant bien des siècles avant (Owen, 1998). Durdin-Robertson nous apprend que le terme « Charis » (le nom d’une déesse), qui signifie grâce, est dérivé du terme pour « sang menstruel » et qu’il devint la racine du terme « eucharistie » (Durdin-Robertson, 1974).
LE CHAMANISME FÉMININ
Autrefois, les femmes étaient les premières prophètes de l’extase, les premières chamanes, les premières poètes visionnaires. L’art de la prophétie et de la divination est un art naturel qui permet au prophète de recevoir les énergies psychiques et biologiques de la terre et de la lune. Le paganisme était une discipline bio mystique qui permettait aux individus et au groupe de canaliser et diriger le véritable pouvoir rayonnant de l’univers entre eux et à l’intérieur d’eux. Les femmes étaient les premières porteuses de ces techniques. Les femmes sont liées à la lune parce une corde faite de leur psyché et de leur sang (Barber, 1994).
Le chamanisme féminin est basé sur le cycle sanguin, aussi appelé les mystères du sang, les mystères menstruels ou la matrice menstruelle. Les mystères du sang de l’accouchement et des menstruations sont au cœur du chamanisme féminin. Geoffrey Ashe, un universitaire britannique, a écrit que les femmes étaient les premières chamanes et que le chamanisme n’était pas un phénomène individuel, mais quelque chose qui était pratiqué par les femmes en tant que groupe. Le pouvoir de ces groupes de femmes était biologiquement lié aux menstruations et aux mystères du sang. Autrefois, les menstruations des femmes étaient harmonisées entres elles et avec la lune, comme elles le seraient aujourd’hui si les femmes habitaient ensemble pendant quelques mois.
Pouvez-vous imaginer le pouvoir d’une communauté entière de femmes saignant ensemble? Quel était le sentiment ressenti de savoir que lorsque nous saignions, nous participions à un mystère universel, que nous portions une confiance sacrée? Imaginez que lorsque vous saignez, que vous êtes capable d’utiliser le pouvoir psychique qui s’ouvre et s’offre à vous pour votre communauté. Vous auriez été respectée et honorée pour votre guidance, votre sagesse, vos dons de guérison que vous auriez offerts à votre communauté. Comment cela aurait-il changé votre vie?
Les hormones féminines jouent un rôle central dans les habilités chamaniques des femmes. Tout juste avant et pendant les menstruations, les femmes expérimentent leurs pouvoirs guérisseurs et divinatoires les plus puissants. Les sautes d’humeur et l’hypersensibilité à cette période du mois – ce qui en Occident à été étiqueté syndrome prémenstruel (SPM) et est traité comme une maladie – sont en fait les manifestations d’un état altéré de la conscience créé par la biologie féminine. En plus de la réceptivité à un état de transe et d’extase, il y a d’autres avantages : alors que le niveau de sérum d’estrogène monte dans le corps de la femme, le niveau des neurotransmetteurs clés monte également, augmentant ainsi la quantité d’adrénaline disponible et permettant aux femmes de s’adonner à des sessions de guérison qui peuvent durer toute une nuit. Les femmes chamanes sont parfaitement conscientes du renouvellement mensuel de leur énergie (Tedlock, 2002).
J’ai ingéré tout un paquet d’informations. Dans les dernières semaines, j’ai lu quatorze livres pour essayer de comprendre la complexité et la profondeur de ces informations. Pour ma recherche, il y a quelques sujets auxquels je ne touche pas : la partie sombre du Divin Féminin, comment notre culture a besoin de s’éveiller à cette énergie sombre et terrestre, les répercussions du dénie de notre pouvoir lors du SPM, les troubles d’alimentation, le rôle de la ménopause pour la guérisseuse ou encore la politique féministe des années 70 et 80. Tous ces sujets méritent qu’on y consacre plus de temps et d’espace dans une autre recherche. Je suis convaincue que les femmes possèdent une nature cyclique qui les prédispose aux rythmes naturels de la planète, de l’inconscient collectif et des royaumes invisibles. Cette nature cyclique les connecte à l’essence même de la guérison. Ce que je n’ai pas trouvé, ce sont des instructions spécifiques sur comment utiliser ces informations. Dans le livre Shakti Woman de Vicky Noble, j’ai trouvé quelques notes sur comment être une chamane-leader. Ces connaissances et techniques se sont perdues dans le voile du temps.
J’ai décidé d’interviewer à ce propos d’autres thérapeutes énergiques issus de différentes écoles de pensées de guérison. J’ai interviewé Ron Moore, Lori Ann Anderson, Michele Mayama, Maria Peterson et Jeanne Chercher. Ils sont des guérisseurs expérimentés et j’ai assisté à leurs ateliers. Pour Michele Mayama, l’utilisation des minéraux, en particulier le fer, est importante lorsque nous travaillons en énergie. Si nous utilisons l’énergie électromagnétique, nous devons boire beaucoup d’eau (l’eau conduit l’électricité), mais nous pouvons aussi développer une carence de minéraux. Cela se ressentirait dans notre sang. J’ai étudié tous les livres portant sur la thérapie énergétique que j’ai accumulés au cours de mes sept années d’études. Dans son livre Energy Medicine, Donna Eden considère le SPM comme un cadeau. Le SPM nous amène dans les profondeurs de notre être, permettant à notre propre vérité d’exploser à la surface. Peu importe ce que l’on cachait ou déniait avec succès, éclate en plein jour en période de SPM. C’est un sérum de vérité auquel on ne peut échapper. Le SPM nous rend plus sage (Eden, 1998). Dans la communauté des thérapies énergétiques, on essaie de comprendre le SPM. Aucun guérisseur n’a reçu ou lu d’informations spécifiques au sujet des femmes et du pouvoir des menstruations! La seule information présentement disponible est la croyance des traditions des autochtones d’Amérique du Nord qui exclut les femmes des cérémonies de guérison si elles sont menstruées. Je trouve cela absolument fascinant! J’ai demandé à plusieurs guérisseurs s’ils seraient intéressés à se pencher sur la question et m’informer de tout développement intéressant et de leurs impressions. Tous ceux à qui j’ai demandé ont acquiescé avec joie.
Une belle synchronicité s’est présentée à moi : j’ai reçu un livre intitulé Earth: Pleidian Keys to the Living Library, de Barbara Marciniak. Dans ce livre reçu par canalisation, se trouve un chapitre entier dédié aux mystères du sang et leur importance pour les femmes ainsi que pour la planète. La croyance veut que les mystères du sang sont une clé permettant la connexion entre la source de notre pouvoir et une connaissance profonde intérieure. Le sang peut être altéré et enrichi par l’intention. Il peut accélérer plusieurs choses et il est un des plus grandioses cadeaux. Cette connaissance et cette sagesse sont nécessaires afin que nous puissions partager à nouveau ce pouvoir avec les hommes, par nos partenariats avec eux.
Je suis dévouée à mon voyage sur le chemin des menstruations, afin d’apprendre comment les utiliser pour me guérir moi-même, les autres et la communauté. J’envisage d’enseigner aux thérapeutes énergétiques de demander à leurs clientes si elles sont menstruées, si elles souffrent du SPM, si elles sont en pré-ménopause ou si elles ménopausées. Un autre angle d’approche est la capacité de discerner nos habiletés de guérisseuses lors de nos menstruations. Suis-je plus vulnérable aux énergies négatives? Suis-je capable de changer mon énergie lors de mes menstruations? Et les guérisseuses qui sont ménopausées – « elles qui sont assises dans leur sagesse » - interagissent-elles différemment avec leurs clients? Avons-nous besoin d’exercices d’ancrage (grounding) pendant nos différents cycles? Je suis de plus en plus consciente de mes propres habiletés en tant que guérisseuse lors de ces périodes pleines de pouvoir et j’apprends à moduler le flot d’énergie afin qu’elle devienne significative.
Et une autre question tout aussi importante s’impose : comment pouvons-nous nous regrouper entre groupes de femmes? Devrions-nous y les femmes ménopausées, celles qui sont assises dans leur sagesse, et ainsi augmenter la puissance énergétique des femmes menstruées?
Je crois que de nommer, invoquer et utiliser les énergies de nos cycles est une façon d’honorer notre ancien pouvoir. C’est aussi une façon de réclamer ces cadeaux en tant que femmes et guérisseuses. Je crois que cette période de menstruations est si puissante, qu’alors que les thérapies énergétiques deviennent de plus en plus intégrées dans notre culture, nous devons redécouvrir et permettre l’évolution à cette ancienne sagesse afin qu’elle s’adapte à notre sensibilité et nos capacités modernes. Nous devons cultiver et protéger ces puissantes énergies qui deviennent de plus en plus accessibles alors que nous les réclamons en tant que femmes et guérisseuses. Je crois que cela est une addition nécessaire à tout travail de guérison. Brisons le silence des menstruations et commençons à honorer qui nous sommes vraiment : des femmes et des guérisseuses.