Pour comprendre l'essence de la Grande Déesse, il faut remonter des milliers d'années en arrière, à l'époque où l'on croyait que l'âme de la terre était féminine. La vie se devait d'être en équilibre avec la nature, et l'être humain n'exprimait pas ses idées sur le fonctionnement de la nature à l'aide de phrases, mais avec des images. À plusieurs reprises, les fouilles archéologiques faites dans le monde, même celles nous livrant des artéfacts datant de 30 000 ans, nous ont montré l'image de la Déesse, la plus ancienne et la plus vénérée des divinités attestées. Cette image fut le premier symbole d'un monde invisible qui se manifestait sous la forme du ciel, de la lune, du soleil, des étoiles, du cours des rivières, de la rosée du matin et de la fertilité de la terre. Les anciens peuples vénéraient la Déesse. Ses forces invisibles étaient très réelles pour eux, et ils croyaient qu'ils devaient respecter les lois cosmiques du domaine de la Déesse s'ils voulaient que leur vie conserve un équilibre. À cette époque lointaine, il était sans doute naturel que Dieu revête des attributs féminins, car le corps des femmes, qui pouvait donner naissance à un autre être humain, était considéré comme sacré. Les femmes furent donc les premières gardiennes des royaumes intérieurs, tout comme ce fut plus tard le rôle des prêtres. Les plus anciennes religions étaient fondées sur le culte d'une divinité unique, la Grande Déesse ; ce culte a ensuite évolué pour inclure plusieurs déesses propres aux différentes cultures du monde entier.
Au cours de ces dernières années, grâce à l'information recueillie lors de différentes fouilles effectuées dans le monde entier, les archéologues ont été de plus en plus nombreux à soutenir la thèse de la célèbre historienne de l'art, Merlin Stone, selon qui, "à l'aube des religions, Dieu était femme". On a découvert que le culte de la Déesse remontait à la période du paléolithique, soit 2 000 000 ans avant notre ère, et qu'il avait disparu il y a moins de 5 000 ans, lorsque Dieu est devenu homme.
En d'autres mots, Dieu a été homme pendant 0,25% de l'histoire de l'humanité et femme pendant 99,75% du temps. Sur la scène divine, l'arrivée d'un dieu mâle est donc relativement récente. Cependant, dans la culture moderne, la croyance selon laquelle Dieu est, et a toujours été, un homme est bien ancrée.
Vivre dans une société dominée par un dieu masculin peut avoir un puissant effet subliminal sur une jeune femme en pleine croissance qui commence à se définir comme un être humain. Peu importe leur âge, leurs différentes traditions religieuses, qu'elles soient dévotes ou qu'elles se soient distanciées des institutions religieuses, les femmes doivent subir les répercussions de cette domination masculine. Il est impossible de séparer les forces qui nous ont façonnées personnellement de celles qui ont façonné l'humanité. Les croyances religieuses forment le tissu social d'une culture.
En général, notre culture présume que Dieu est masculin, ce qui engendre une croyance subliminale voulant que les hommes soient des êtres supérieurs. Les hommes jouissent aujourd'hui du grand avantage de vénérer un Dieu qui les conforte dans l'idée qu'ils se sont de leur supériorité, simplement parce qu'ils ont le même genre que Lui. C'est une source de puissance formidable que de croire que la divinité suprême de l'Univers est du même sexe que soi. Même si le monde occidental a connu une importante révolution des sexes au cours des cinquante dernières années, nous vivons toujours à une époque fortement patriarcale dont le cœur est un dieu masculin.
Comme se fait-il que Dieu, qui était une femme durant la plus grande partie de l'histoire de l'humanité, soit maintenant devenu un homme? Le revirement ne s'est pas produit du jour au lendemain ni même sur plusieurs générations. Il n'en demeure pas moins que lentement, mais sûrement, le lien qui nous unissait à l'esprit de la terre et à un esprit divin nourricier souterrain a été remplacé par une présence qui nous observe, nous gouverne et nous juge du haut des cieux. De nombreuses filiations généalogiques, que nous remontions autrefois par le biais des femmes, se retracent maintenant par celui des hommes.
De nos jours, nous appartenons à une culture qui vénère davantage les personnes faisant preuve de logique et de pragmatisme que d'intuition. Nous avons quitté le royaume mystique où s'épanouissent les rêves, l'intuition et la magie pour entrer dans un monde privilégiant l'analytique et le rationnel.
La vie a toujours évolué d'une façon cyclique. Il est sans doute normal que le pendule, resté si longtemps dans le mystérieux et terrestre royaume de la Déesse, finisse par osciller vers le pouvoir patriarcal où la puissance masculine règne en maître. Cependant, depuis le déclin de la religion des déesses, les femmes ont perdu les systèmes spirituels qui répondent à leurs besoins, et personne ne leur a appris à explorer leurs propres forces spirituelles. Mais l'ancien principe féminin commence à réaffirmer son pouvoir. Comme femmes, nous commençons à le ressentir dans nos cœurs, non pas tant comme une doctrine religieuse, mais comme une prodigieuse force intérieure possédant le pouvoir de remodeler la vision que nous avons de nous-mêmes.
Même si la magnificence de l'histoire des femmes a subi des déformations au fil du temps, et même si nous avons été dépossédées à bien des égards de notre identité spirituelle de femmes, je suis persuadée qu'enfoui dans notre structure génétique et notre subconscient le souvenir d'une époque où régnait une déesse féminine puissante et bienveillante demeure vivant. Tel un immense raz-de-marée, cette mémoire cellulaire ancestrale commence à résonner dans nos âmes. Nombreuses sont les femmes qui désirent retrouver l'esprit de la divinité féminine. Au plus profond de notre âme, nous aspirons à retrouver non seulement la partie de notre histoire qui a été anéantie et les traditions propres aux femmes qui ont été effacées, mais aussi les parties correspondantes manquantes de notre psyché. Si nous nous rapproprions les mystères de la Grande Déesse qui nous habite, nous en retirerons d'immenses bienfaits.
Le symbolisme des déesses offre un contrepoids au rythme effréné de la vie, car il nous aide à nous voir comme uniques et merveilleuses et à prendre soin de notre corps; il nous amène à comprendre que chaque cycle de notre vie est sacré. En nous alignant sur les déesses, nous pouvons trouver notre force, découvrir nos droits innés inaliénables et en arriver à connaître la véritable ivresse que nous procure le fait d'être bien vivantes.
Lorsque vous ouvrez votre cœur au divin féminin, vous approfondissez votre connaissance de vous-même en tant que femme. Contrairement à un dieu masculin, la Déesse ne gouverne pas le monde de l'extérieur; elle est elle-même le monde en chacune de nous, et nous sommes donc en mesure d'en acquérir l'intime connaissance.